Petit topo de ma vie
Me, myself and you! Ce titre ne me serait jamais venu à l’esprit et je n’aurais sans doute jamais eu l’idée de raconter ça. Je me
demande d’ailleurs pourquoi je l’ai fait ! Tout ça à commencé depuis que je suis revenu de cette inexplicable séance chez le psy.
*
« J’ai encore rêvé d’elle, ses longs cheveux noirs qui lui couvraient entièrement
le corps. Elle émergeait de l’eau et me pointait du doigt. L’eau coulait le long de son corps. »
« Qu’avez vous ressenti en faisant ce rêve ? »
« Rien de très descriptible ; cela ne me rappelait rien d’autre que de la
tristesse… Beaucoup de tristesse… »
- On va essayer autre chose ! me dit le psychiatre
J’avais réussi. J’avais passé l’épreuve haut la main. Refouler le plus de sentiments
possible. Rester très évasif, lui faire croire que e n’avais rien à lui dire.
Il me regardait sans doute mais je n’osais pas lever la tête. Il allait sûrement
essayer son autre truc d’hypnose par l’écoute. Je n’avais pas le choix de toute façon. Mon père avait payé cette séance et je devais la faire même si cela ne m’enchantait pas ; bon sang que
c’est dur.
*
On était sur une route déserte ; ce jour là on devait aller voir mes grands
parents à la campagne. Je devais avoir à peine neuf ans… Maman était assise à l’avant avec mon beau- père qui conduisait ; je l’aimais bien, même si ce n’était pas mon père biologique il
comptait beaucoup pour moi de même que ma mère. Elle était belle ma mère avec ses longs cheveux coulis d’un noir de jais ; cela n’allait pas du tout avec la tête brune de Davis mais ils
faisaient quand même un beau couple.
Je me souviens encore comment c’est arrivé… Il faisait déjà sombre mais je ne
m’inquiétais pas. Davis à sortit une bonne blague, maman et moi avons ri et ensuite…
Je me réveillais en sursaut les ongles enfoncés dans le canapé de ce docteur. Je me
tournais vers lui, ou plutôt elle. C’était une femme comme je l’avais précédemment imaginé en entendant sa voix puis tout se brouilla à nouveau et ma vue redevînt floue, blanche et
vaporeuse.
Je me laissais tomber sur le fauteuil tentant vainement de reprendre un souffle qui ne
venait pas.
Cette s****e avait utilisé une autre ruse pour m’avoir ; je n’en revenais pas
d’avoir revécu ce souvenir… un doute m’effleura l’esprit. Avais-je parlé durant cette transe ? Je ne voulais surtout pas qu’elle l’apprenne… Elle ne devait rien savoir et moi aussi je devais
ensevelir tout cela.
Je me levais et récupérais ma sacoche en bandouillère sans grande difficulté puis
d’instinct je me dirigeais vers la porte, les yeux voilés par des larmes invisibles…
Au milieu de la rue, je sentais plusieurs embruns ; des odeurs sucrées de
pâtisserie fraîchement ouvertes et des taxis qui klaxonnaient à tout rompre. J’adorais cette ville, principalement parce que c’était une ville et non une campagne… J’ai horreur des campagnes et
ce depuis toujours. Je n’irais pas en cours ce matin, j’ai horreur des profs qui me couvent et me bassinent tout ça à cause de mon handicap. Je suis aveugle pas inadapté… d’ailleurs je ne suis
même pas vraiment aveugle.
A vrai dire, autant vous l’expliquer maintenant. Je perçois les choses différemment
mais il n’empêche que je les vois… Sous l’effet d’un choc intense ma vue recouvre ses facultés. Je sais que c’est bizarre mais c’est mon cerveau qui travaille.
Je me suis dirigé vers un endroit que je connais depuis longtemps pour m’y être rendu
très souvent. Le lac avait toujours cet embrun d’eau tiède ; je sentais le souffle calme de la brise me traverser les cheveux.
Délicatement, je m’asseyais par terre humant le duvet de saveurs que me procuraient
mes narines. Je m’allongeais longuement, absorbant les fines raies de lumière que les nuages laissaient transparaître à mon attention.
Je n’estimais pas la durée ou je restais dans cet état de profonde béatitude et
pourtant il dura assez longtemps. Assez pour que je sente la douce brise fraîche amorçant la fin de soirée. Brusquement, deux mains se plaquèrent sur mes yeux.
· Devines qui c’est ? dit une voix féminine
· Très drôle ! répondis-je à demi amusé par cette blague de très mauvais
goût.
Elle dût sentir ma gêne et s’excusa.
· Désolée ! répondit elle simplement
· Tu sais que je ne t’en voudrais jamais ! ajoutais-je à son attention
Et pour argumenter mon propos, je me penchai vers elle afin de goûter ses délicieuses
lèvres à la saveur fraise des bois.
Méline était quelqu’un d’adorable mais j’avais parfois l’impression qu’elle ne me
comprenait pas suffisamment bien.
· T’as passé une bonne journée ?
Je grimaçais et tournais la tête vers le lac. Je ne savais que très approximativement
ce à quoi elle ressemblait. Rousse, des yeux verts pétillants et un sourire d’angelot. Je ne répondît pas à sa question, depuis quatre ans qu’on se connaissait, elle devait savoir que si je
venais ici c’était pour échapper aux mauvaises journées.
Puis elle se pencha vers mon oreille et me murmura quelque chose qui me fît sourire.
Une heure plus tard, nous étions chez elle allongé sur son canapé.
- Tu viens au country Club ce week end? demanda
t'elle en m'embrassant
Je n'avais pas envie de la repousser mais d'un autre côté j'avais comme un besoin d'espace. Je me relevais donc et la repoussais
légèrement. Je n'étais pas quelqu'un de facile, j'en étais conscient et Méline le savait pourtant...
Elle soupira. Encore une fois elle avait oubliée que je détestais ces endroits à effusions financières exubérantes.
- Excuse-moi! fît elle
- C'est rien! dis je pour la consoler
Et comme pour m'excuser moi même de mon attitude je l'ai embrassé. D'abord avec hésitation puis plus fougueusement entreprenant de la
caresser.
*
Quand ma voiture est passée me chercher, je n'ai pas fait attention au chauffeur. Sylni en changeait tout le temps. Je supportais mal
cette nouvelle éventuelle belle mère. Elle n'avait pas encore passé la bague au doigt de mon beau père qu'elle entreprenait déjà de réorganiser notre vie. Pourtant il y en avait un
d'irremplaçable.
- Carlo?! demandais-je
- Mr Hermes!
Je ne répondis pas, me contentant de monter par la porte qu'il m'ouvrait. Je me vautrais confortablement dans le cuir souple de cette
mini maison roulante.
- Ramenez-moi chez moi! ordonnais je
- Désolé Monsieur, Mlle Sylni veut que vous la rejoigniez à la galerie marchande.
- Pardon? m'exclamais-je
- Je pense que vous devriez vous y rendre, cela peut considérablement augmenter vos rapports et vous n'en serez que plus stable dans
votre relation.
Je réprimais un sourire tandis qu'une exclamation proche d'un rire résonna à l'arrière de la voiture.
- Je ne suis pas certain que vous soyez payé pour penser! Dis je méchamment en m'allongeant
Il me dévisagea à travers le rétroviseur avant de reprendre son sermon d'adulte coincé et ennuyeux.
- Vous voyez bien que je suis allongé alors cessez de me parler ou je vais m'endormir! dis-je afin de mettre un terme à cette
conversation.
Je ne lui laissais pas l'occasion d répliquer. Faisant remonter la vitre de séparation, j'entrepris d'écouter un peu de
musique.
Carlo avait l'habitude de me supporter, il était au service de mon père depuis quelques années déjà; à vrai dire depuis que j'étais
devenu orphelin de mère.
Parvenu à l'entrée de la Galerie Marchande , je retrouvais ma belle mère. J'en avais une description assez succincte vu que je ne
pouvais pas la voir en totalité, j'imaginais très bien comment elle était d'après ce qu'on m'en disait. Grande élancée, svelte et brune. Rien de très original. Je n'ai pas pu discuté; avant que
j'ai pu dire quoique ce soit, elle m'avait déjà emmené vers une boutique.les "Trésors d'Appolon". Un magasin ou l'on vend des cannes, je le savais pour y être déjà venu avec mon beau père mais
celui ci ne se décidait pas à comprendre que je n'en avais pas besoin.
- Alors Méhandr, une préférence? demanda t'elle de sa petite voix suave
- Je ne sais pas, il faudrait que je puisse voir pour en juger. dis-je cynique
Elle ne répondît pas et se contenta de m'acheter un modèle de bamboo verni. Pfff! le reste de la journée, nous l'avons passé à faire
des achats enfin nous c'est surtout elle.
- Que penses-tu d'une cravate noire à rayures grises?
Ce que j'en pensais? Qu'elle pouvait se la mettre ou je pense ou même l'utiliser comme mouchoir pour effacer toute trace d'elle de ma
vie.
Bref, je me souviendrais de cette journée comme de l'une des pires de ma petite vie. Et pour me venger d'avoir été affublé d'une
canne, je décidais de concocter à ma façon une petite mesquinerie.
Au retour, nous avons pris la même voiture et là j'en profitais pour asseoir mon envie de l'écraser. Au moment ou elle s'apprêtait à
monter, je tendis mon magnifique ustensile de vengeance entre ses chevilles, elle se vautra magnifiquement sur la moquette de la limousine.
- Un problème? demandais-je comme si je n'étais pas au courant
- Non ce n'est rien! fît elle un peu secouée.
Intérieurement je jubilais et encore ce n'était que le début. A mi chemin, j'eus une envie subite de me servir à boire dans le
réfrigérateur, je tâtonnais avec le bout de ma canne et finis par lui broyer le petit orteil.
Elle poussa un cri qui me plu au plus au point.
- Pardon! Murmurais-je toujours aussi faussement
Elle me pria que ce n'était rien et nous rentrâmes. Elle n’avait pas fini de souffrir sous ma domination celle la.